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FAITS DE L’AFFAIRE, TEXTES DE LOI ET JURISPRUDENCE

Une bonne connaissance des faits de l’affaire est nécessaire pour bien jouer votre rôle. Les textes de loi et la jurisprudence seront importants surtout pour les avocats et le juge du procès.

DROIT DU TRAVAIL

FAITS DE L’AFFAIRE

Les gens ne se présentent pas devant les tribunaux sans raison. La plupart du temps, ils y vont parce qu’une situation est devenue sans issue et qu’il faut une personne impartiale (le plus souvent, un juge) pour trancher le différend. Même si chaque partie tente de faire valoir sa position, chaque affaire compte un ensemble de faits « neutres » qui ne sont pas remis en question. Dans la présente affaire, ces faits sont les suivants :

Un emploi à la mode
Dès son plus jeune âge, Anne Couture s’est passionnée pour la mode et le dessin de vêtements. Après des études en création vestimentaire au Collège Okanagan North à Kamloops, Mlle Couture s’est vite déniché un emploi comme vendeuse dans une entreprise locale de mode féminine, Froufrou for you.
En 2004, après quelques années de ce travail de vente, Anne déménage à Kelowna où elle accepte un emploi de Responsable des nouvelles lignes au sein de Active Styles Inc., une entreprise spécialisée dans la confection de vêtements de sport « pour ceux et celles qui veulent bien paraître quand ils transpirent ». Au fil des ans, Active Styles Inc. a lancé plusieurs lignes de vêtements ayant connu beaucoup de succès, dont la ligne Sexy Sweat. Par contre, certaines autres lignes, dont la ligne Sheer, n’ont pas remporté le succès escompté.

Malgré ces quelques échecs mineurs, Mlle Couture est très heureuse dans son travail jusqu’à cette journée fatidique du 14 juillet 2018 où son superviseur immédiat, Catherine Lepingre, Directrice de la production, lui demande de venir la rencontrer dans son bureau. Après avoir échangé quelques plaisanteries, Mme Lepingre devient soudain plus sérieuse et parle de l’état actuel de l’industrie de la mode qui, comme toutes les industries, connaît des hauts et des bas. Les ventes d’Active Style Inc. n’échappent à ce cycle et la compagnie connaît présentement une très mauvaise période, surtout depuis l’échec de la ligne Sheer. La situation est à ce point préoccupante que toutes les divisions de l’entreprise, y compris la division de la production où travaille Mlle Couture, devront procéder à des compressions budgétaires.

Lorsqu’elle entend ces paroles, Mlle Couture se voit déjà en chômage et sent son univers s’écrouler (elle pense immédiatement à son chat Mitaines qui a besoin de médicaments pour son arthrite féline). Mme Lepingre la rassure cependant en lui disant qu’elle n’est pas congédiée, mais que l’entreprise va devoir procéder à une réorganisation pour espérer passer à travers de cette crise financière. Ainsi, puisque l’entreprise entend réduire le nombre des lignes qu’elle offre (et se consacrer plutôt à la vente des lignes qui ont fait leur preuve), le poste de Mlle Couture sera aboli et Mlle Couture occupera désormais des fonctions de Coordonnatrice au contrôle de la qualité. Mlle Lepingre ajoute que, puisqu’il s’agit d’un poste avec un peu moins de responsabilités, il va de soit que le salaire annuel de Mlle Couture sera aussi revu à la baisse passant de 74 000 $ à 63 500 $.

Mlle Lepingre remet ensuite un document qui constate les changements proposés à Mlle Couture en lui demandant de retourner ce document signé « au cours des prochains jours ».
De retour chez elle, Mlle Couture est encore toute bouleversée et décide de se consoler en s’offrant un bon verre de Pinot rose, puis un autre. Après avoir donné à Mitaines ses médicaments, elle prend son ordinateur portable et envoie le courriel suivant à Mme Lepingre :

De : a_couture@activestyles.com
À : c_lepingre@activestyles.com
Sujet : Inacceptable

Bonjour Mme Lepingre.
Je dois vous dire que je suis encore chamboulée après la rencontre de cette après-midi. J’ai donner plus de 10 ans de ma vie à Active Styles et je trouve inacceptable de me voir traité de la sorte. Dans ces conditions, je vais avoir de la difficulté à rentrer au bureau, tellement je suis bouleversée.
Anne

Mme Lepingre reçoit ce courriel lors de son arrivée au travail le lendemain et, considérant qu’il s’agit d’une démission, informe les services des ressources humaines du départ de Mlle Couture. Le lendemain, Active Styles Inc. fait parvenir un chèque au montant de 4 726 $ à Mlle Couture. Ce montant représente la rémunération qui ne lui a pas encore été versée depuis son dernier chèque de paie, ainsi que le montant des jours de vacances qu’elle a accumulés.

Lorsqu’elle reçoit ce chèque, Mlle Couture consulte un avocat et elle intente par la suite une action pour congédiement injustifiée.

Dans cette affaire, Mlle Couture est le demandeur (CARTE 38) alors que Active Styles Inc. est le défendeur (représenté par un témoin, CARTE 39). L’avocat de Mlle Couture est l’avocat du demandeur (CARTE 36) alors que l’avocat de Active Styles est l’avocat du défendeur (CARTE 37).

TEXTES DE LOI

Les textes de loi contiennent le cadre général qui permet de décider de l’issue d’un procès. Les avocats porteront particulièrement attention à ces textes de loi pour y trouver des dispositions qui viennent appuyer leur position. Au-delà des textes de Loi, les principes généraux qui permettent de trancher un différend se trouvent aussi dans la Common Law.

Dans cette affaire, ces textes et principes sont les suivants :

Article 63 de la Loi sur les normes du travail
63 (1) L’employé qui a été à l’emploi de l’employeur pendant au moins trois mois a droit à une indemnité qui correspond à la rémunération d’une semaine de travail.

(2) Le montant des indemnités est ensuite déterminé de la façon suivante :
(a) une indemnité qui correspond à la rémunération de deux semaines de travail après 12 mois de service;

(b) une indemnité qui correspond à la rémunération de trois semaines de travail après trois ans de service, en plus d’une semaine supplémentaire de rémunération jusqu’à concurrence d’un montant maximal de huit semaines.

(3) La responsabilité de l’employeur en terme d’indemnité prend fin après :

(a) la remise d’un avis écrit :

(i) d’un semaine après trois mois de service;

(ii) de deux semaines après 12 mois de service;

(iii) de trois semaines après 3 ans de service, en plus d’une semaine supplémentaire de rémunération jusqu’à concurrence d’un montant maximal de huit semaines;

(b) la remise d’un avis écrit et d’une somme d’argent qui correspond au montant que l’employeur est tenu de payer; ou

(c) la démission de l’employé, son départ en retraite ou son congédiement pour motif valable.

Congédiement déguisé – principe de Common Law
Il arrive parfois qu’un employé se sente contraint de démissionner en raison de changements dans ses conditions de travail. En effet, les tribunaux ont établi que le fait d’imposer une modification fondamentale ou substantielle au contrat de travail d’un employé de façon unilatérale et à l’encontre des conditions du contrat constitue un bris fondamental de ce contrat. Ce bris entraîne la résiliation du contrat et permet à l’employé de réclamer à son employeur des dommages-intérêts à titre de préavis raisonnable pour congédiement déguisé.

Montant de l’indemnité – principe de Common Law
Le montant des dommages-intérêts qui peuvent être réclamés à titre d’indemnité pour congédiement injustifié dépendent des responsabilités de l’employé, de son âge, de la durée de son emploi ainsi que des possibilités pour l’employé de se trouver un autre emploi similaire. Sans parler d’une règle immuable, la jurisprudence s’entend généralement pour accorder une indemnité d’un mois par année de service jusqu’à concurrence de 24 mois.

JURISPRUDENCE

Il faut parfois aussi considérer les décisions des tribunaux dans des affaires semblables, ce qu’on appelle la jurisprudence. Dans le cas présent, prenez connaissance de la jurisprudence suivante : dans l’affaire Farber c. Cie Trust Royal, la Cour Suprême du Canada a énoncé le test pour déterminer s’il y a eu congédiement déguisé : « ( … ) le juge doit se demander si, au moment où l’offre a été faite, une personne raisonnable, se trouvant dans la même situation que l’employé, aurait considéré qu’il s’agissait d’une modification substantielle des conditions essentielles du contrat de travail. ».